L'outarde canepetière préservée face à un projet éolien
Eva Maillard
3/27/2025
Par un arrêt n°22BX02176 en date du 6 mars 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le préfet de la Vienne n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de délivrer à la société Y une autorisation environnementale pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire de la commune de Martaizé eu égard aux conséquences environnementales du projet, en particulier sur l’outarde canepetière.
Etapes du dossier :
Le 4 novembre 2019, la société Y a sollicité l'autorisation d'exploiter un parc éolien de " Champ Bonnet ", composé de huit aérogénérateurs et de quatre postes de livraison sur le territoire de la commune de Martaizé.
Par un arrêté du 17 juin 2022, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer l’autorisation demandée en se fondant, en premier lieu, sur les atteintes à la biodiversité, en second lieu, sur l’absence de dérogation aux interdictions d’atteintes aux espèces protégées et, en troisième lieu, sur l’atteinte au paysage et aux monuments historiques environnants.
La société Y a en conséquence introduit un recours devant la cour administrative d’appel de Bordeaux afin de solliciter l’annulation de l’arrêté de refus du préfet, ce litige ayant trait à l’installation des éoliennes terrestres et relevant ainsi, en application de l’article R. 311-5 du code de justice administrative, de la compétence en premier et dernier ressort des cours administratives d’appel.
Portée de l’arrêt :
Les juges de la cour administrative d’appel de Bordeaux ont dans un premier temps constaté, comme l’avait souligné le préfet de la Vienne dans sa décision de refus, que le parc éolien s’implantait à proximité immédiate d’une zone d’une particulière sensibilité pour l’avifaune, notamment pour l’outarde canepetière, espèce protégée et classée « en danger » sur la liste rouge régionale des oiseaux nicheurs de Poitou-Charentes.
Le site en cause constitue en effet un des deux pôles de reproduction de l’espèce en France.
Or les juges du fond ont relevé qu’une expertise scientifique avait mis en évidence que cette espèce était particulièrement sensible aux dérangements liés aux infrastructures de lignes de distribution électriques où de nombreuses collisions avaient été recensées, de sorte que le projet de la société Y présentait des impacts significatifs sur cette espèce.
Cette circonstance a amené la Cour à étudier, dans un second temps, les mesures d’évitement et de réduction prises par la société pour atténuer les conséquences de son projet sur l’outarde canepetière.
Les juges ont alors relevé que celles-ci n’étaient pas proportionnées à l’importance des enjeux pour l’espèce et qu’en conséquence le projet était de nature à porter atteinte aux objectifs de conservation du site, en particulier s’agissant de l’outarde canepetière, et ce, en méconnaissance des dispositions des articles L. 181-3, L. 414-4 et L. 511-1 du code de l'environnement :
« Par suite, compte tenu de l'implantation du parc litigieux à proximité immédiate d'une zone d'une particulière sensibilité pour l'avifaune et notamment pour l'outarde canepetière, espèce sensible aux dérangements, ayant justifié la désignation des zones Natura 2000 précédemment évoquées, et en l'absence dans le projet du pétitionnaire de mesures d'évitement et de réduction proportionnées à l'importance des enjeux pour cette espèce, il résulte de l'instruction que le projet est de nature à porter atteinte aux objectifs de conservation de ce site, en particulier s'agissant de l'outarde canepetière, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 181-3, L. 414-4 et L. 511-1 du code de l'environnement. Ainsi, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas même invoqué, qu'une solution alternative au projet existe ou qu'il réponde à une raison impérative d'intérêt public majeur, le préfet de la Vienne pouvait légalement fonder son refus sur ce motif. Ce seul motif suffit à justifier légalement le refus d'autorisation qui a été opposé à la société pétitionnaire (…) ».
Lien vers l'arrêt : CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 06/03/2025, 22BX02176, Inédit au recueil Lebon - Légifrance