Assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions, une simple faculté pour l’administration
Eva Maillard
5/20/2025
Par un avis n°498803 en date du 11 avril 2025, le Conseil d’Etat a considéré que l’autorité administrative compétente n’est jamais tenue de délivrer un permis de construire ou de ne pas s’opposer à une déclaration préalable en l’assortissant de prescriptions spéciales afin de rendre le projet conforme à la règlementation applicable.
Les faits ayant donné lieu à l’avis du CE étaient les suivants :
Par un arrêté en date du 20 septembre 2023, le maire de la commune de Saint-Raphaël a refusé de délivrer à la société Y un permis de construire pour la réalisation d’un bâtiment à usage mixte de commerces, de bureaux et de logements.
Ladite société a formé un recours gracieux contre cet arrêté, soutenant que ce refus était illégal dès lors que l’administration disposait de la faculté d’assortir l’autorisation de prescriptions, permettant de rendre le projet conforme.
Par une décision en date du 3 janvier 2024, le maire de la commune de Saint-Raphaël a rejeté ce recours.
La société Y a donc saisi le tribunal administratif de Toulon afin solliciter l’annulation du refus de permis opposé, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Le tribunal administratif de Toulon, avant de statuer sur la demande formulée, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de saisir le Conseil d’Etat pour avis, en soumettant à son examen la question suivante :
« Un pétitionnaire qui, en dehors de toutes dispositions législatives et réglementaires prévoyant la possibilité pour l'autorité compétente d'assortir son autorisation d'urbanisme de prescriptions spéciales, se voit opposer un refus de permis de construire ou une opposition à déclaration préalable, peut-il se prévaloir, devant le juge, de ce que, bien que son projet méconnaisse les dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect, cette dernière aurait pu ou dû lui délivrer cette autorisation en l'assortissant de prescriptions ? ».
A cette interrogation, le Conseil d’Etat répond par la négative le 11 avril 2025 en précisant que l’autorité administrative dispose de la faculté de délivrer un permis de construire ou de ne pas s’opposer à une déclaration préalable en l’assortissant de prescriptions pour rendre le projet conforme à la règlementation applicable mais qu’elle n’y est jamais tenue.
Les apports de cet avis remarqué :
Cet avis semble d’abord marquer l’abandon de la jurisprudence Deville du 26 juin 2019 n°412429 à travers laquelle le Conseil d’Etat, statuant sur les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, avait jugé que l’autorité compétente pouvait opposer un refus d’autorisation dès lors qu’il n’était pas possible de délivrer l’autorisation sollicitée en l’assortissant de prescriptions permettant de rendre le projet conforme à la réglementation, sans que les modifications apportées ne soient considérées comme étant substantielles.
En d’autres termes, à travers cette précédente jurisprudence, l’administration était tenue d’apprécier si des prescriptions auraient pu permettre de rendre le projet conforme à la règlementation applicable et, dans l’affirmative, de les édicter.
Ensuite, cet avis étend le pouvoir discrétionnaire de l’autorité compétente puisque cette dernière n’est plus contrainte de corriger les irrégularités affectant les demandes d’autorisation, même celles qui seraient mineures.
Elle dispose à cet égard d'une simple faculté.
Le pétitionnaire se doit donc de présenter un projet conforme aux règles applicables et dispose de la possibilité de modifier son projet en cours d’instruction en cas d’irrégularités à condition de ne pas en changer la nature.
Enfin, le dialogue en amont entre le service instructeur et le pétitionnaire semble être privilégié (voir en ce sens : CE, 1er décembre 2023, Commune de Gorbio : n° 448905).
Le Conseil d’Etat rappelle en effet que le service instructeur peut, pendant la phase d’instruction, indiquer au pétitionnaire les irrégularités affectant son projet et que celui-ci peut y apporter des modifications, avant l’intervention d’une décision tacite ou expresse sur sa demande, pour autant qu’elles ne modifient pas la nature de son projet.
Lien vers l'avis : Conseil d'État, Section, 11/04/2025, 498803, Publié au recueil Lebon - Légifrance